Art & Architecture
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Découvrez l’imposante statue de Jean-Baptiste Clésinger dit Auguste (1814-1883) qui représente « une George Sand majestueuse, vêtue à l’antique sur une chaise curale, les pieds nus, un rouleau à la main » installée dans un des communs de la cour d’honneur pour des raisons évidentes de conservation, depuis le bicentenaire de la naissance de l’écrivaine en 2004.
George Sand entretient des relations tumultueuses avec ce sculpteur, prix de Rome, artiste reconnu de son temps et qui devient son gendre le 15 mai 1847.
Sculpteur de talent, excellent praticien, Auguste Clésinger rencontre le succès au salon de 1847 avec sa « Femme piquée par un serpent ». Considéré par beaucoup comme brutal, viveur, prodigue, il n’est pas le gendre rêvé et son mariage avec Solange entraîne de grandes douleurs pour George Sand.
La salle à manger de Nohant garde dans le secret de son intimité les traces d’une célèbre dispute familiale qui scelle la brouille persistante entre George Sand et sa fille. Clésinger cherche à frapper Maurice. Le curé, les amis, les domestiques tentent de les séparer et d’enlever à Maurice le pistolet qu’il a couru chercher. George Sand affirmera même : « Solange attisant le feu avec une froideur féroce, et ayant fait naître ces déplorables fureurs par des ragots, des mensonges, des noirceurs inimaginables. »
Quelques années plus tard, malgré une forte animosité de George Sand à l’égard de son gendre, un comité de souscription se constitue pour qu’une statue à la gloire de George Sand soit réalisée par Jean-Baptiste Clésinger. Mais on ne sait pas précisément comment George Sand réagit à ce projet surprenant.
En 1851, Solange annonce à sa mère : « Alexandre Dumas a eu l’idée de faire une souscription pour t’offrir cette statue de marbre. » Il reste à réunir les fonds et Jean-Baptiste Clésinger prend l’initiative de s’approcher de Louis Napoléon Bonaparte, à ce propos.
Le Prince Président lui répond par une lettre courtoise, le 9 juin 1851, mais le refus est sans équivoque : « J’ai toujours rendu hommage au talent de George Sand. Sa statue ne pouvait être confiée à un ciseau plus habile… Mais l’attitude politique de l’écrivain ne me permet pas de souscrire à l’œuvre de l’éminent sculpteur. »
George Sand n’est nullement surprise et pense en toute logique qu’il vaut mieux attendre ce qu’elle nomme elle-même des « temps moins anti-socialistes ».
L’œuvre, néanmoins achevée, est achetée en 1854 par Émile Girardin.
Au lendemain de la mort de George Sand (le 8 juin 1876), un nouveau comité étudie l’opportunité d’élever une statue à sa mémoire et conclut à l’inutilité d’un tel projet.
Girardin accepte alors de vendre l’œuvre en sa possession à la Direction des Beaux-Arts, pour la Comédie-Française. Et c’est ainsi qu’elle est installée dans le foyer du Théâtre français le soir de l’entrée au répertoire de la pièce Le marquis de Villemer le 4 juin 1877.
George Sand, figurée à la romaine sous les traits de la littérature, se substitue à la comédienne Rachel dont la statue, elle aussi œuvre de Clésinger, vient d’être transférée à l’Odéon.
En 1867, Félix Nadar s’adresse au directeur du Théâtre français, Édouard Thierry, en vue d’obtenir l’autorisation de photographier la collection de bustes des auteurs et comédiens. Lorsque, dix ans plus tard, il réalise enfin des prises de vue, Nadar photographie la grande statue de George Sand, nouvellement installée.
Les traits de la femme de lettres fixés par Nadar en 1877 font désormais partie de la mémoire collective, consacrant le triomphe de la photographie.
L'œuvre y reste presque un siècle car en 1974, d’importants travaux réalisés à la Comédie-Française sont à l’origine du transfert de la sculpture de George Sand dans les réserves du musée national du château de Compiègne, où elle sommeillera durant près de trente ans avant son transfert chez George Sand à 2004.
George Sand se présente aux visiteurs en véritable allégorie de la littérature et du théâtre.
Vous pourrez mesurer la force de cette interprétation, un peu académique certes, mais aux qualités indéniables. Admirez la beauté et la poésie de cette représentation !